"J’avais peur que mon père me tue" : le témoignage poignant de Marie-Angèle maltraitée durant son enfance

"J’avais peur que mon père me tue" : le témoignage poignant de Marie-Angèle maltraitée durant son enfance
Marie-Angèle DiLitta Gandarez - "J’avais peur que mon père me tue" : le témoignage poignant de Marie-Angèle maltraitée durant son enfance

"Je n’ai pas honte de dire que j’ai 43 ans, que je suis suivie par un psychiatre une fois par mois. J’ai écrit un livre, parce que je suis une ancienne enfant placée, une ancienne enfant battue. Non, je n’ai pas honte."

Marie-Angèle DiLitta Gandarez nous a ouvert son cœur. Elle est Lyonnaise, elle a une voix douce, un regard pétillant, et surtout, une histoire hors du commun. Une enfance marquée par la violence, le silence, mais aussi une incroyable résilience.

Née d’une jeune mère encore mineure et d’un père bien plus âgé – déjà marié à une autre femme – Marie-Angèle passe ses trois premières années chez ses grands-parents maternels. "Ils m’ont donné un nom, un toit, un repas dans mon assiette. Mais à 3 ans, mes parents sont venus me chercher pour m’emmener chez eux. Peu après, mon petit frère et ma sœur sont arrivés."

Elle se souvient avec tendresse des visites hebdomadaires de ses grands-parents. Chaque mercredi, ils venaient les voir, remplissaient le frigo, s’assuraient que rien ne manquait. Mais en 1988, tout bascule : son grand-père meurt d’un cancer. "À partir de ce moment-là, je n’avais plus personne pour me protéger."

Son père sombre dans l’alcool, perd son emploi. La violence physique et psychologique s’installe. "Le martinet, la ceinture, les coups de poing, les cheveux arrachés… J’ai eu peur de mourir. Quand on me mettait la tête sous l’eau, j'avais peur de ne pas avoir assez de respiration pour pouvoir remonter à la surface. A ces moments-là, je pensais très fort à mes grands-parents."

 Sa mère ? Absente. "J’espérais qu’un voisin appelle la police, qu’on vienne me chercher… Je croyais très fort à ma bonne étoile. Je me disais qu’un jour, je sortirais de tout ça."

En 1998, à 16 ans, c’est le point de rupture. Une gifle de trop. Marie-Angèle la rend. "Je savais que j’allais mourir. Et je me suis dit, soit je m'en vais et je ne rentre plus, soit il va me tuer.  J’ai pris mon sac à dos, remplacé mes affaires de cours par quelques vêtements, et je suis partie. Mais pas vers le lycée. Je suis allée au tribunal de grande instance."

Placée sous protection jeune majeur jusqu’à ses 21 ans. Au foyer, elle rencontre Alain et Jacqueline, deux éducateurs qui changent sa vie. "Je suis arrivée au foyer, pour moi c'était génial, parce que quand on a ouvert la porte de ma chambre, j'ai vu un lit, un bureau et une armoire. Chez moi, je n'avais pas tout ça. J'allais pouvoir me laver à l'eau chaude, parce que chez moi, c'était assez compliqué à ce niveau-là, je me cachais pour pouvoir me laver, je me lavais à l'eau froide, ça faisait partie un petit peu des punitions". 

Le foyer n’a pas été simple : tensions avec certains résidents, éducateurs, difficultés à suivre des études. Elle a dû grandir tôt : à 8 ans, elle payait les factures, faisait les courses, achetait l’alcool de son père.

Des années plus tard, installée à Toulon, l’hôpital Édouard-Herriot l’appelle. Son père est hospitalisé. Il faut décider s’il faut l’amputer. Sa mère refuse de prendre la décision, ses frères et sœurs sont mineurs, c’est à elle de choisir. "Je ne me sentais pas capable de prendre cette décision, vu notre passé. Mais j’ai pensé à ma petite sœur. J’ai accepté pour qu’il puisse la voir grandir. Mais c’était trop tard. Il est mort. Et on me l’a longtemps reproché."

Son livre, "Je t’ai longtemps attendue", est plus qu’un témoignage. "C’est une lettre à mes grands-parents, surtout à mon grand-père. Je lui raconte tout ce que j’ai vécu. C’est une ode à la vie, à l’espoir. Même quand j’ai voulu mourir, à 13 ans, après une tentative de suicide… Je suis heureuse d’être en vie. C’est ma fille ainée qui a dessiné la couverture de livre inspiré d’une photo de moi en maternelle, souriante. Elle résume bien le livre". 

Une leçon apprise ?

"N’ayez pas peur de demander de l’aide, d’appeler le 119, ou d’aller chez un voisin. Ce n’est pas de votre faute. Vous êtes une victime, mais ça ne vous définira pas. Croyez-y. Toujours. C’est ma devise."