"Être malentendante ne m’arrête pas" : le récit de Sarine, entrepreneuse lyonnaise

"Être malentendante ne m’arrête pas" : le récit de Sarine, entrepreneuse lyonnaise
"Être malentendante ne m’arrête pas" : le récit de Sarine, entrepreneuse lyonnaise - Sarine Chau

Quand certains sens s’éteignent, d’autres s’éveillent pour illuminer le monde autrement.

Depuis sa naissance, Sarine Chau vit avec une surdité moyenne. Aujourd’hui âgée de 26 ans, elle n’a jamais pu distinguer les sons aigus : le chant des oiseaux, le bruissement des feuilles. Un handicap invisible qui, dès l’école primaire, lui a valu moqueries et incompréhensions. À l’époque, elle ne comprenait pas encore ce qui la rendait différente.

"Un garçon se moquait sans cesse. Il m’imitait. Je rentrais souvent chez moi en larmes", explique-t-elle.  

Des difficultés d’élocution mal interprétées, des rendez-vous répétés chez l’orthophoniste et le dentiste, sans jamais mettre le doigt sur la cause réelle. Ce n’est qu’au collège, après une consultation chez l’ORL, qu’elle apprend sa surdité. Aujourd’hui appareillée aux deux oreilles, elle redécouvre le monde sonore et en distingue même des sons qu’elle n’avait jamais entendus auparavant.

"J’ai entendu les cigales pour la première fois. Et lors d’une balade en forêt, j’ai entendu les oiseaux. C’était magique."

Chaque jour est un défi : rester concentrée sur les conversations, lire sur les lèvres, décrypter les expressions, parfois même deviner les mots manquants. Ce handicap invisible demande une énergie constante.

"Lors d’un déjeuner de formation, je suis restée silencieuse presque tout le repas. J’avais peur de mal comprendre et de répondre à côté."

Aujourd’hui, elle privilégie l’écoute au dialogue, portée par la crainte que ses mots ne soient pas toujours saisis comme elle le souhaiterait. Une différence discrète, mais bien présente, "la vie te rappelle parfois que tu n’es pas comme tout le monde."

De cette force est né son projet : Savotey, une marque de foulards en fibre de lotus et en soie. D’origine cambodgienne, elle rend hommage à sa mère en lui empruntant son prénom pour nommer la marque. Savotey signifie une femme généreuse, audacieuse, animée d’un amour infini.

Inspirée par la résilience de sa mère, survivante du génocide des Khmers rouges, elle souhaite transmettre cet héritage de courage et d’espoir à travers ses créations.

"J’ai voulu créer une marque pour les femmes, pour leur redonner confiance. J’ai rencontré tant de femmes aux parcours bouleversants."

Chaque foulard est réversible : au recto, un imprimé élégant ; au verso, une histoire de femme, illustrée par des symboles forts. Comme Noémie, qui a surmonté un burn-out et a choisi le colibri, son animal totem, pour représenter la guérison, accompagné d’un papillon et d’une colline.

Les fleurs de lotus sont récoltées au Cambodge, tissées à la main selon un artisanat ancestral, puis acheminées à Lyon pour être transformées et teintées. Le lancement officiel de la marque est prévu pour le printemps 2026. En attendant, elle partage son aventure sur les réseaux, avec l’ambition de fédérer une communauté de femmes résilientes.

Leçon :

"On apprend plusieurs leçons dans une vie. Mon mantra, c’est de croire en ses rêves. Mais plus récemment, j’ai compris l’importance d’être alignée avec ses choix et son environnement. On évolue chaque jour, il faut préserver son énergie et rester fidèle à ce qu’on veut vraiment accomplir."