Y'A T-IL UN INSTINCT PATERNEL ?

Y'A T-IL UN INSTINCT PATERNEL ?

L’instinct paternel joue-t-il un rôle dans la relation père-fille ?

Est-on instinctivement une bonne mère ou apprend-on à le devenir ? La question de savoir s’il existe ou non un instinct maternel a été remisée au placard ces dernières années. Poussés par les revendications féministes, les chercheurs rejettent globalement ce terme, à cause de la culpabilisation latente qu’il laisse dans son sillage, pour celles qui ne ressentiraient pas ce lien censé aller de soi. Et surtout, de son incapacité à définir de manière juste ce qui se joue.
 
Plutôt que d’instinct paternel, la psychothérapeute Isabelle Filliozat préfère parler de processus chimique : « Celui-ci permet une préparation du corps et de l’esprit pour accueillir l’enfant. Mais le stress, la colère ou l’insécurité financière peuvent l’inhiber. » Hommes et femmes sont concernés, selon Isabelle Filliozat, de la même façon. « Si un papa n’éprouve pas ce soi-disant instinct, ça ne signifie pas qu’il n’aime pas son bébé. Mais plutôt que quelque chose empêche ce mécanisme. Cela nécessite que le père prête de l’attention à ce désir d’être avec son enfant. »
 
Pour la neurobiologiste Catherine Vidal, directrice de recherche à l'institut Pasteur, aucun instinct ne s’exprime à l’état brut chez l’être humain : « Tout est toujours contrôlé par la culture. » En fonction du contexte et de sa vie psychique, un homme aura, donc, face à son enfant, un comportement différent de celui qu’aurait son frère ou son voisin vis-à-vis de sa propre progéniture. « On n’est pas dans un schéma simple, résume Catherine Vidal. On ne peut réduire l’être humain à une machine cérébrale qui répond à l’action des hormones. Notre cerveau est d'une immense complexité. »
 
Une figure d’attachement essentielle
 
Une étude récente prouve bien que la relation entre un parent et son enfant est avant tout le résultat de la somme de moments de vie. Publiée dans la revue Nature Communications en avril, elle a été réalisée par des chercheurs de l’université de Lyon. Ils ont fait écouter des pleurs de nourrissons de 3 mois enregistrés, à 29 familles, 15 françaises et 14 congolaises. Sur ces bandes-son figuraient les pleurs de leurs propres bébés. Les chercheurs ont noté combien d’enfants comptait chaque famille et combien de temps les parents passaient chaque jour avec eux. Résultat : les sujets sont capables, pères comme mères, de reconnaître les cris de leurs propres enfants, en fonction du temps qu’ils passent chaque jour avec eux. « C’est une enquête très rigoureuse qui montre l'importance de l’apprentissage, s’enthousiasme Catherine Vidal. Elle illustre les capacités de plasticité cérébrale, en fonction de l’expérience de chacun. C'est grâce au développement de la plasticité de son cerveau que l’être humain a acquis la liberté de choix dans ses comportements. » 
 
Si nous ne sommes pas le pur produit de nos hormones, qui a intérêt, alors, à revendiquer l’existence d’instincts parentaux ? « On a toujours besoin de classifier les hommes et les femmes en bons et en mauvais, qui auraient de bons ou de mauvais instincts, déplore Isabelle Filliozat. Nous sommes rassurés de penser que le monde est régi selon les principes simples du bien et du mal. Or c’est bien plus complexe. »
 
Ce que l’on nommerait communément « instinct paternel » ne serait-il simplement que le reflet de l’implication de plus en plus grande des hommes dans la grossesse et dans les premiers mois de l’enfant, qui étaient encore, il y a peu, des territoires exclusivement féminins ? Grâce au congé paternité et un partage des tâches familiales mieux réparti, les pères prennent une place de plus en plus grande, « validée » par la société. Et la revendiquent même. « Le papa est une figure d’attachement essentielle pour l’enfant, insiste Isabelle Filliozat. Le nourrisson reconnaît d’ailleurs très rapidement son odeur et sa voix. C’est primordial que le père développe une relation avec son bébé. Et cette place, il la prend dès lors qu’on la lui laisse. »
 
photo: DR
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