Comment parler de sexe en couple ?

Comment parler de sexe en couple ?

Pas facile de parler de sexe en couple.

Car, quand la peur de blesser l’autre ou la difficulté à assumer ses désirs s’invite au lit, la communication sexuelle semble impossible. Carolle et Serge Vidal-Graf, auteurs de Mais tu ne m’avais jamais dit ça !*, ont rassemblé foule de conseils à ce sujet dans leur passionnant ouvrage. Voici ceux qui nous ont le plus inspirés.

Parler pour faire durer son couple
Si une bonne communication affective est essentielle dans un couple, celle qui concerne le sexe l’est tout autant. Car, de la même façon que l’amour évolue avec la relation, la sexualité se transforme au fur et à mesure, d’autant plus à l’occasion de certains événements (grossesse, vie de famille, maladie, ménopause, vieillesse…). Passée la période de « lune de miel », où l’autre semble parfait, apparaissent souvent des petites contrariétés. Difficulté d’accès à l’orgasme, manque de rapports sexuels, caresses maladroites…ces déplaisirs nous sautent aux yeux et, plutôt que de se résigner, mieux vaut en parler pour inventer une sexualité différente, quitte à trébucher.
 
La dangerosité des non-dits
Dire à son partenaire qu’un petit quelque chose cloche au lit n’est jamais facile. Mais ne pas en parler peut avoir des effets désastreux. Car, à force de cumuler les griefs, on risque, soit d’en vouloir à son conjoint et ne plus le désirer, soit d’exploser un jour et de tout lui avouer, en employant des mots qui dépassent la pensée. Deux réactions qui peuvent détruire un couple à petit feu.
 
Assumer son « animal-sexe » pour se découvrir soi-même
Le sexe n’est pas que sexe. Il est aussi « un superbe outil de conscience et de croissance personnelle ». Car, à travers lui, nous découvrons nos parts d’ombres –du moins considérées comme telles hors du lit. Soumission, domination, possessivité…des envies parfois enfouies en nous-mêmes s’y révèlent…à condition de laisser parler son « animal-sexe » (son animalité), sans jamais le juger. En clair, oser exprimer ses envies à l’autre et les concrétiser, aide à être apaisé et épanoui côté sexe, cœur et esprit.
 
 
Ces idées reçues qui nous en empêchent
 
Idée reçue n°1 : faire l'amour est inné, il n'est pas utile d'en parler
Si l’éducation sexuelle existe bel et bien à l’école, elle se borne souvent à des sujets tels que la contraception ou les infections sexuellement transmissibles…mais rien à propos du plaisir. Pourtant, faire l’amour s’apprend. « L’idée domine encore que nous (les hommes, ndlr) aurions, dans ce domaine, la science infuse, expliquent les auteurs. C’est une idée fausse ». Une idée fausse, mais surtout dangereuse. Car ce conditionnement culturel incite certains messieurs à jouer aux gros durs, à se comporter comme ils savaient tout. Et, de la même façon, les femmes, de leur côté, sont persuadées que leur partenaire maitrise déjà parfaitement le sujet. Ce qui freine, assurément, la possibilité d’une communication, pourtant essentielle. Faire l’amour, cela s’apprend !
 
Idée reçue n°2 : un homme prend toujours du plaisir, nul besoin de s’en soucier
Autres idée reçue, un homme digne de ce nom doit se contenter de donner du plaisir à sa partenaire -puisque son orgasme à lui est, soi-disant, automatique- et sa compagne se doit d’en recevoir. S’il est important de tenir compte du bien-être de l’autre, l’homme, à ce petit jeu, « risque d’oublier son droit à la sensualité, à la découverte de sensations subtiles » ; la femme, de son côté, peut sentir une pression : celle d’avoir un orgasme à tout prix. Deux malentendus qui nuisent à une sexualité épanouie, côté masculin comme féminin.
 
Idée reçue n°3 : s’il m’aime, il doit deviner ce qui me plait sans que j’aie à le lui dire
Beaucoup de femmes sont hantées par le mythe du prince charmant. Elles croient que, si leur partenaire les aime, il saura, instinctivement, comment leur donner du plaisir. Grossière erreur. Personne n’a le don de deviner les désirs profonds de son partenaire, si celui-ci ne les exprime pas. Voilà pourquoi il est indispensable de les verbaliser, au risque de créer une forte incompréhension, de la frustration, voire une haine envers l’autre...injustifiée. Car, comment blâmer l’autre si on ne lui donne pas de mode d’emploi ? Une femme immobile, qui n’ose pas dire son partenaire ce qu’elle aime ou n’aime pas ne peut lui en vouloir : elle est en partie responsable de cette situation et doit prendre les choses en main pour qu’elles changent, même si cela est fort impressionnant.
 
Idée reçue n°4 : une femme qui assume ses désirs n’est pas respectable
Si les femmes sont de plus en plus indépendantes (financièrement, professionnellement et même au sein de la famille), certaines n’arrivent pas encore à s’émanciper sexuellement. Elles restent dans une logique de soumission érotique, craignant de passer pour une femme de mauvais genre si elles assumaient leurs désirs, et certaines ne s’interrogent pas elles-mêmes sur leurs envies sexuelles. De là à les verbaliser, puis à prendre des initiatives, il y a encore un –grand- pas à franchir.
 
 
Que dire ?
 
Identifier ses désirs avant de les verbaliser
Pour faire part de ses désirs à son partenaire il faut, avant tout…les connaître ! Pour cela, on prend un moment, seule, et on imagine comment on aimerait faire l’amour. On se focalise sur chacun de ses 5 sens et l’on pense aux moments de la journée, aux positions, aux caresses, à la musique (éventuellement) que l’on affectionnerait le plus dans nos moments intimes. Une fois ce « tour d’horizon avec soi-même » effectué, il est plus facile d’évoquer ses désirs avec son partenaire.
 
Dire ce qui ne va pas, mais aussi ce qui va
Une bonne communication sexuelle dans le couple nécessite de dire ce qui ne va pas, mais aussi ce qui va. « Le piège, c’est de penser que ce qui ne pose pas de problème ne mérite pas d’être dit ». C’est tout le contraire. Des paroles gratifiantes aident le partenaire à accepter, aussi, celles qui le sont moins. D’autant que, si l’on se contente de dire à son conjoint qu’on n’aime pas les caresses sur les seins, cela ne lui indique pas, pour autant, le type d’effleurements qui nous émoussent. C'est bien dommage, car « il est plus facile de faire et de refaire ce que l’autre aime que de s’abstenir de faire ce qu’il n’aime pas. »
 
Oser dire qu’on a peur
Avoir peur d’être rejetée, de ne pas être une bonne amante, de ne pas avoir d’érection, d’éjaculer trop vite…foule d’angoisses sont souvent associées au rapport sexuel, côté féminin comme masculin. La peur n’est pas un problème en soi. Mais elle en devient un si elle est cachée au partenaire, au point d’avoir honte de cette inquiétude. A contrario, « si chacun peu dire sa peur à son partenaire, elle cesse d’être un problème ». Il ne faut donc pas hésiter à confier ses petits blocages pour tenter, dans un second temps, de les « apprivoiser », pour enfin les surmonter.
 
Oser dire non
Quand la tête pense « non », il est inutile, voire dangereux, de dire -ou de faire- « oui ». D’abord, parce qu’à tout accepter, on déstabilise son conjoint, qui ne sait plus si nos « oui » ont vraiment de la valeur. Ensuite, parce qu’à se forcer (soi-même !), on finit par accumuler de la rancœur envers son partenaire, d’autant plus si l’on espère qu’il sentira de lui-même ce manque d’envie. Mais, là encore, aucun conjoint, si amoureux soit-il, n’est omniscient. On apprend donc à dire non sans culpabiliser, si on ne le sent pas, en expliquant pourquoi (je suis en colère contre toi, j’ai besoin de me reposer, etc.). Il convient toutefois, si ce non est trop fréquent, de s’interroger sur les raisons profondes, et chroniques, de ce refus.
 
 
Comment le dire ?
 
Evoquer un problème, sans se précipiter sur une solution
Il n’est pas facile d’apprendre que son partenaire n’est pas pleinement satisfait des rapports sexuels. Alors, mieux vaut laisser à son conjoint un peu de temps pour « intégrer émotionnellement l’information », avant de chercher une solution ensemble.
 
Dire « je » plutôt que « tu »
Utiliser le « tu » lorsqu’on souhaite confier une requête à son partenaire peut être, assurément, interprété comme un reproche. Au contraire, choisir le « je », permet d’être mieux entendu. On préférera donc le « je ne me sens pas comprise » au définitif « tu ne me comprends pas ». De la même façon, un « j’aime tes caresses, mais celle-ci un peu moins », sera probablement mieux écouté qu’un « tu es maladroit dans tes gestes ».
 
Inventer son propre vocabulaire amoureux
Certaines personnes sont gênées à l’idée d’employer des mots tels que « lécher », « pénétrer », jugés trop crus. On peut dans ce cas, les remplacer par des petits noms inventés par le couple, ou utiliser des allusions (« maintenant » pour « je vais avoir un orgasme », ou « caresser » pour « masturber » par exemple).
 
Parler avec le corps
Il est parfois plus facile de parler avec le corps, plutôt qu’avec les mots. Pour ce faire, on peut, d’abord, faire sentir au partenaire ce qui nous plait, par une attitude, un geste, un regard, ou un souffle plus appuyé. On peut aussi guider son partenaire avec la main, en entourant la sienne, pour lui montrer le rythme et la pression qui nous conviennent, lui apprendre à caresser d’autres parties du corps que la verge, la vulve, les seins…
 
 
Quand le dire ?
 
Pendant l’amour, des informations sur l’instant présent
Pendant l’amour, il n’est, bien sûr, pas question de lancer une conversation. On transmet uniquement « des informations à partit de l’ici et maintenant » -négatives comme positives. Mais, si le langage est plus direct, il doit tout de même être enrobé de bienveillance, pour ne pas blesser le partenaire à un moment où il est particulièrement vulnérable.
 
Hors du lit, l’écoute silencieuse
Hors du lit, on parle plus profondément de ce que l’on ressent que pendant le rapport sexuel.  Les auteurs parlent d’« écoute silencieuse » : on commence par laisser le temps à l’autre de s’exprimer, posément, sans précipitation, jusqu’à ce qu’il ait réussi à verbaliser tout ce qui le tracasse. Ce respect du temps de parole « permet à des images et à des émotions d’émerger, pour permettre aux idées que nous voulons transmettre de se clarifier ». C’est ensuite au tour de celui qui à écouté de parler, de la même façon, sans envisager ce temps de parole comme une réponse, mais comme un exposé de ses ressentis, au même titre que ce que vient de dire le conjoint. Dans un troisième temps, chacun est libre de réagir aux propos du partenaire, en essayant de ne pas verser dans le reproche, pour trouver des pistes ensemble.
 
Se réserver des moments réguliers pour parler
S’il peut paraître artificiel de se fixer un rendez-vous mensuel pour parler de sexualité en couple –comme le conseillent les auteurs- il semble toutefois essentiel de se réserver des moments privilégiés à cet objet. Car, souvent « pris par le tourbillon de la vie quotidienne, nous oublions de nous dire notre amour, nos doutes, nos joies, nos mises au point ».
 
*D'autres conseils dans le livre Mais tu ne m'avais jamais dit ça !,  des universitaires formés à la psychothérapie Carolle et Serge Vidal-Graf, aux éditions Jouvence
 
X