Marie-Charlotte Garin : "Je ne rentre pas forcément dans l’image que l’on a du député"

Marie-Charlotte Garin : "Je ne rentre pas forcément dans l’image que l’on a du député"
Marie-Charlotte Garin - Lyon Femmes

Elle fait désormais partie du nouveau paysage politique français. Marie-Charlotte Garin a été élue le 19 juin dernier, et à seulement 26 ans, députée de la 3ème circonscription du Rhône. Une toute nouvelle page dans la carrière d’une jeune femme écologiste et féministe qui veut imposer son style et ses convictions.

Devenir députée avait déjà traversé votre esprit quand vous étiez petite ?

Non ! J’ai voulu faire mes études supérieures avec cette idée un peu très idéaliste de vouloir changer le monde. Je voulais faire quelque chose qui avait un impact positif car j’ai été élevée dans une famille où on porte nos valeurs et on les incarne au quotidien. Je me suis retrouvée à Lyon où je travaillais dans l’humanitaire sur un projet contre les violences sexistes et sexuelles faites aux femmes handicapées. C’était mon premier job après mes études. C’était passionnant ! Il se trouve qu’en même temps je me suis engagée en politique. Je n’avais pas prévu de rester à Lyon et tout ça m’a un petit peu échappé… J’avais envie d’accompagner le projet pour lequel j’avais milité au niveau local… Si on m’avait dit que j’allais terminer députée de Lyon !

Vous êtes aujourd’hui la plus jeune élue écologiste à l’Assemblée Nationale. Une étiquette dure à porter ?

J’en fais une force. Quand on dit que l’Assemblée doit représenter l’ensemble de la population, elle doit aussi représenter les jeunes. J’ai la chance d’être dans un groupe politique où l’âge n’est pas un sujet. J’essaye d’apporter mon énergie et mon dynamisme. L’idée est de servir le collectif du mieux qu’on peut et justement si on peut mettre cette jeunesse au service du collectif c’est génial. Au-delà de la jeunesse, on a quelque chose à recréer sur le lien de confiance que l’on peut avoir avec nos personnalités politiques.

Vous avez fait une entrée remarquée à l’Assemblée Nationale en juin dernier en portant la robe de Cécile Duflot. Quel était le message ?

Le message de s’inscrire dans une lignée où c’est plus facile pour nous aujourd’hui car il y en a eu d’autres avant nous. Je suis très fière d’appartenir à une famille politique où il y a eu une Cécile Duflot avant moi. Il y avait aussi le message de questionner le gouvernement sur les moyens sur les violences sexistes et sexuelles et de dire que nous resterons vigilantes et qu’on ne laissera rien passer. Des comportements comme ceux qu’avaient pu susciter la robe de Cécile Duflot ne sont pas acceptables (des sifflets de la part de députés hommes ndlr). Il y avait aussi quelque chose d’intéressant pour moi dans le fait d’utiliser le corps comme moyen pour faire passer des messages là où justement les femmes sont souvent réduites à leur apparence physique. J’ai trouvé ça puissant et visiblement je n’ai pas été la seule.

Avez-vous eu déjà des remarques un peu sexistes à l’Assemblée Nationale ?

A l’Assemblée ça va. Il y a parfois quelques regards mais comme de partout à l’intérieur ou à l’extérieur de l’hémicycle. Je ne dirai pas qu’on rentre dans un moule car ce n’est pas vrai. J’ai voulu garder mon identité propre dans ma manière de m’habiller. C’est forcément quelque chose que l’on questionne plus. Evidemment que je m’interroge beaucoup plus sur comment je m’habille quand je suis au Palais Bourbon que quand je suis en circonscription. J’interroge l’apparence quand je suis en représentation et quand je ne le suis pas. C’est très drôle car une fois lorsque j’étais présente à une manifestation féministe, je me suis dit que j’allais m’habiller un peu plus "détente". Une dame est venue me voir pour me dire qu’elle était contente que je sois là. Ses enfants pensaient m’avoir reconnue mais se sont dits que ça ne pouvait pas être moi car je portais des sandales (rires). Les gens ont vraiment une image de comment s’habille un député et je ne rentre pas dans le costume même si j’ai des costumes pour le coup. Au quotidien je ne rentre pas forcément dans l’image que l’on a du député.

Il y a de la pression de vous dire que vous êtes devenue un modèle à suivre ?

Je crois que c’est aussi pour ça que j’y allais. Notre job pour les cinq prochaines années est de tenir la porte ouverte pour permettre à d’autres de rentrer dans ces lieux de pouvoir. On ne les transformera que si l’on vient avec des personnalités nouvelles, des profils nouveaux et des envies différentes. Mon job est d’encourager le plus possible de gens à s’engager.

Vous avez trouvé votre place en politique ?

Je ne suis pas quelqu’un qui écoute ses envies. Je suis plus dans une approche par le devoir. La question de trouver sa place est compliquée. Quelle place dans une institution qui a été faite par et pour des hommes ? Les gens attendent qu’on fasse tout comme les hommes. Je m’interroge parfois sur comment je m’habille et je me dis que je n’ai pas été élue pour m’habiller comme un homme de 50 ans. Evidemment que je vais m’habiller comme une jeune femme de 27 ans. Ça avait fait scandale que je mette mes baskets avec la robe de Cécile Duflot. Il va falloir s’habituer car je vais rester en basket tout le mandat ! (rires) J’estime que mes baskets ne sont pas plus indignes que les affaires sexuelles de certains… Il faut peut-être remettre l’église au milieu du village et dire ce qui est vraiment important dans la représentation.

La vie d’une députée c’est à 100 km/h tout le temps ?

Si on ne se protège pas, il n’y a jamais de pause. C’est un apprentissage de vivre entre deux villes aussi. J’estime que renouveler nos pratiques politiques, c’est aussi savoir sortir de cette frénésie. Je prône un droit à la déconnexion, à des horaires de travail plus ou moins réguliers qui protège une vie personnelle. Je cours et je fais du karaté. J’estime que je suis une personne plus saine si je fais du sport surtout un sport qui recentre bien mentalement. Je pense que de toute façon c’est un marathon donc il va falloir que j’apprenne à me préserver.

Propos recueillis par A.D.

X